Tchoum !
Dessin 459
Une certaine Marilyn
Il est 6 heures du matin et quelques poussières, le Milord, la boîte de nuit transformiste de Guéret, finit sa nuit.
Seulement deux clients attardés.
Eddy, le barman, pose sur l’étagère brillante le verre essuyé et lance pour la troisième fois sa phrase favorite : « On ferme ! ».
Jamais plus de trois fois, c’est son principe.
Juju, qui porte ce surnom du fait de sa « sacré descente », lève un doigt d’honneur aussi aristocratique que silencieux. Ce que dit Smart, qui a encore de beaux restes, est suffisamment passionnant pour ne pas l’interrompre.
‒ J’étais là, assis tranquillement sur mon banc, je l’ai vue arriver du bout de la ruelle. Elle était sublime.
Eddy, flegmatique, appuie sur le bouton adéquat puis attrape un nouveau verre humide.
Juju bave… un peu.
‒ Elle portait sa robe de 7 ans de réflexion ?
‒ Non, bien sûr. Juste une petite robe noire tout à fait classique mais incroyablement sexy sur elle. Elle est venue vers moi, m’a caressé les cheveux et m’a dit : « Tu sais que tu es mignon, toi ? » C’est comme ça que tout a commencé.
Juju se frotte les yeux, a une brusque illumination.
‒ Attends, tu avais quel âge ?
‒ Sept ans, mais j’étais déjà en avance pour mon âge.
‒ Et tu habitais où, à l’époque ?
‒ Limoges.
‒ Limoges ?
Juju en frémit.
‒ Et tu veux me faire croire que Marilyn, la Marilyn des films, est venue à « Limoges », et pour te rencontrer, toi ?
‒ Eh bien pourquoi pas ? Mais incognito bien entendu. Tu crois pas qu’elle allait crier ça sur les toits et se faire repérer par les journaux.
Juju bondit debout, la chaise s’effondre dans un vacarme de fin du monde, il tremble sur ses pattes grêles.
Indigné.
‒ Tu me prends pour… tu me prends pour… un je ne sais quoi !
‒ Mais non. D’ailleurs la voilà.
C’est vrai. Juju en a les yeux qui se décillent.
Marilyn Monroe, en robe de chambre à carreaux, pas encore démaquillée, vient d’entrer dans la salle par les coulisses. Elle les attrape par le col sans efforts apparents, les traîne à travers les tables vides, puis les balance dans la rue.
La porte se ferme dans un claquement définitif.
Baraquée Marilyn !
Juju, qui s’est ramassé sans se faire mal comme tout soûlaud qui se respecte, se tourne vers Smart aussi indemne que lui.
‒ Tu sais quoi ?
L’autre se masse le cuir chevelu. Une vague bosse à venir.
‒ Quoi ?
‒ A l’époque, tu devais être aussi poivrot qu’aujourd’hui !
Dessin 458
Berry
Dessin 457
Lascive
Lascive et pensive, la belle regardait par la fenêtre.
Une lumière dorée irisait l’ombre des cheveux, caressait le modelé d’une épaule, enveloppait l’arceau du bras pour finir sa course, perverse et douce, le long d’une hanche, d’une volute de tissu, d’une jambe à peine aperçue sous l’ombrage des plis de satin.
Le jour se levait sur Paris, le jour se levait sur elle assise sur son lit, sur elle qui regardait Paris.
Lui, envouté, notait deux trois choses qui feraient peut-être une histoire, qui, en tout cas, décrivaient déjà un instant hors du temps.
Il n’osait parler.
Il songeait.
Il rêvait.
Ni l’un ni l’autre ne bougeaient, lui admirant, elle le sachant.
Un instant immensément long, plusieurs secondes d’éternité peut-être, dévida l’écheveau d’une heure arrêtée, le fil d’une passion sauvage et sensuelle. Le grincement léger du crayon sur le papier gravait l’espace, pareil au bruissement d’aile d’un oiseau mouche.
Il écrivait sans s’en rendre compte des choses tendres et voluptueuses.
Elle frissonna soudain, étira les bras, le dos, puis se retourna d’un froissement d’étoffe.
Un sourire aux yeux.
‒ Et si on allait se promener ?
Il sourit à son tour.
‒ Oui, allons nous promener, mais tu sais ce que j’aimerais.
Malicieux.
Alors, pour lui faire plaisir, elle ne mis que la robe légère flottant sur ses jambes nues prolongées de la longueur de deux talons immenses, affutés comme des rasoirs.
Ils allèrent se promener.